3. déc., 2018

Constitution

 

L’explosion du mécontentement actuel en France tient au fait qu’un homme élu Président avec 24 % des voix au premier tour peut verrouiller tout le système avec seulement 32 % des voix aux législatives lui donnant en fin de compte 314 élus sur 577 et donc une assemblée nationale à sa botte, qui vote tout ce qu’on lui dicte (puisqu’il n’y a aucun parti pour élaborer un programme) ou qui est court-circuitée par l’article 49•3 pour éviter tout débat. Un homme qui promet en campagne vouloir gouverner au-delà du clivage droite-gauche et qui, dès qu’il est élu par rejet du FN, s’empresse de mettre en place une politique de droite ultra-libérale avec cadeaux aux riches, taxes aux pauvres et asphyxie des services publics. 

Ce scandale institutionnel qui pousse les gens dans la rue tient avant tout à la Constitution de la V° République. De Gaulle se l’était taillée sur mesure pour pouvoir décider seul, appuyé sur un parti godillot, en faisant en sorte que le seul parti qui l’inquiétait à l’époque, le PCF, soit toujours éliminé ou réduit à la portion congrue par l’élection à deux tours. La Constitution de 1958 interdit la proportionnelle, le seul vote juste qui régit les Assemblées de la plupart des pays européens, ceci au nom de l’efficacité et de la suppression des tractations entre partis politiques pour la désignation du premier ministre ou du président et pour la définition de la ligne politique. En plus elle maintient un Sénat, élu par les seuls grands électeurs, chambre des notables par essence conservatrice, destinée à tempérer ou à bloquer les déviances éventuelles d’une Assemblée nationale potentiellement portée à la radicalisation et aux basculements de majorité.

De Gaulle est d’ailleurs tombé suite à un référendum où il voulait aller plus loin encore et transformer le Sénat en chambre des corporations, sur le modèle franquiste.

Cette constitution gaullienne qui asphyxie les partis concurrents a été précieusement conservée par tous ses successeurs (Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande), trop heureux de pouvoir en bénéficier à leur tour. Entre-temps l’ennemi a certes changé : c’est devenu le FN et depuis peu aussi LFI. Mais l’essentiel n’a pas changé : il suffit qu’un candidat de droite arrive au second tour face à un de ces deux-là pour que la Constitution l’assure d’être élu. Et le tour est joué. 

Premier résultat : Macron s’est senti pousser des ailes ; avec une Assemblée dominée en sièges par LREM il allait pouvoir faire tout ce qu’il voulait. 

Dernier résultat : les opposants à cette politique clairement orientée à droite n’ont plus que la rue pour manifester leur désarroi et leur colère face au piège institutionnel et à la trahison des promesses de campagne. 

« On » espère qu’ils s’essouffleront. « On » tente de les amalgamer avec les casseurs qui viennent s’incruster dès qu’il y a une manifestation en France. « On » leur colle l’étiquette infamante de « populistes », alors qu’ils demandent juste une démocratie qui les entende et non pas une politique de classe qui fasse payer toujours les mêmes.

Les médias ont beau serrer les coudes et continuer leur sale boulot, cette crise aiguë confirme bien une chose : cette Constitution n’est plus adaptée ; elle a conduit le pays à la rébellion et à l’émeute ; elle est devenue incapable de réguler les conflits de classe parce que la majorité de la population, celle qui travaille et qui paie, n’est ni représentée ni entendue. L’urgence est de changer de Constitution. Face à l’élection du Président au suffrage universel direct (si elle était conservée) il faut instaurer une proportionnelle intégrale aux législatives pour que l’Assemblée nationale retrouve sa légitimité et puisse proposer, voter, rejeter ou amender réellement les lois, contrôler le Gouvernement, le censurer ou en changer. C’est l’Assemblée qui légifère, sur les propositions de lois du gouvernement ou d’elle-même. 

Et légitimer des référendums d’initiative populaire qui ne soient pas des plébiscites pour ou contre le Président sur une question suffisamment vague, mais de vraies consultations sur une question très précise et très concrète, et dont le résultat soit automatiquement respecté et fasse loi.

Tant que la Constitution de 1958 ne sera pas remplacée la grande majorité des citoyens n’adhérera plus au vieux système institutionnel qui fait de la France une exception déplorable en Europe.

Notre besoin urgent est celui d’une Assemblée constituante.

 

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