21. nov., 2018

Gilets jaunes

 

Les Gilets Jaunes, c’est, de l’aveu même des macroniens, une véritable jacquerie… à l’âge de l’internet : spontanée, imprévisible, incontrôlable, protéiforme, disséminée sur tout le territoire, sans organisation centralisée ni tête pensante, sans délégué représentatif ni liste sérieuse de revendications raisonnables. 

Or, cette forme de résistance est la création de Macron : il a dit très clairement vouloir passer par-dessus les corps intermédiaires, les syndicats, les partis, les assemblées locales, qui sont selon lui des forces conservatrices farouchement opposées au changement c’est-à-dire au progrès. Celui-ci est inéluctable puisque fondé sur le savoir économique qui ne relève pas d’un débat démocratique : « Je sais ce qu’il faut faire, dans quelle direction doit aller la société, et toute critique ne traduit que l’ignorance et la peur devant l’avancée inéluctable de l’Histoire. » Parce que Macron est philosophe : il a fait Science Po et en même temps maîtrise et DEA de philosophie à Nanterre sur Machiavel et Hegel, puis l’ENA et enfin, pour couronner le tout, la banque Rothschild.

Il aime bien parler tout seul devant la caméra, ou en feignant de répondre aux pseudo-questions d’un journaliste complaisant. Là il est à son affaire. Par contre quand de vraies personnes viennent l’interpeller, il est submergé par la peur et répond par le mépris, l’arrogance, le tutoiement et les accusations agressives : c’est l’autre qui est en tort, qui est un ignorant ou un fainéant, qui devrait se prendre en main et changer. S’il est dans la mouise c’est qu’il n’a pas su prendre les bonnes décisions, choisir les bonnes formations, trouver la bonne région, accepter de déménager, se débrouiller quoi. Il s’est contenté de toucher ses allocations et de profiter de ses deux ans de vacances (dixit Castaner).

Il donne ainsi des leçons aux chômeurs formés, aux ouvriers licenciés, aux étudiants diplômés. Quant aux étudiants contestataires ce ne sont que des fainéants qui ne veulent pas terminer leurs études et qui saccagent les locaux universitaires : il l’a encore dit récemment à un étudiant belge à Louvain, qu’il s’est empressé de tutoyer et d’insulter à son habitude.

Pour lui les Gilets Jaunes ne sont que des jacques : grossiers, vulgaires, alcooliques, racistes, homophobes, incultes, ignares, incapables de voir autre chose que leur intérêt immédiat, leur portefeuille, leur vieille bagnole diesel qui pollue, de vrais beaufs pour tout dire. D’ailleurs la plupart d’entre eux n’ont pas voté pour lui ou se sont abstenus : ils sont donc disqualifiés d’office. On appelait ça autrefois la racaille, la canaille, les gueux ou la plèbe, et on avait bien raison.

De nombreux analystes l’avaient pourtant averti : la situation devenait explosive et ça risquait de péter tôt ou tard. Mais il n’en croyait rien, enflé de suffisance, persuadé d’être investi du don de clairvoyance et de la mission de sauveur de la France et de l’Europe. Il assène qu’il n’y a que lui face à ce qu’il appelle le populisme, de droite ou de gauche, tout ce qui fait mine de résister au rouleau compresseur capitaliste.

Ce que n’avait pas prévu Macron c’est que la vague de dégagisme, sur laquelle il avait surfé pour tromper une majorité d’électeurs et accéder au pouvoir, est en train de revenir, d’enfler et va l’emporter à son tour, maintenant que les choses sont claires : les gens abusés se sont rendu compte qu’il a été placé là non pas pour faire une nouvelle politique mais pour conforter, faciliter et amplifier le mouvement de concentration du capital financier, d’augmentation des profits et de paupérisation de la masse. Comme Bolsonaro au Brésil, porté par les financiers qui veulent remettre leur ordre pour reconstituer leurs profits.

Il se trouve malheureusement qu’en France en 2018 la poudre aux yeux ne fonctionne plus et que les gens voient bien vers quoi nous sommes en marche.

Et ils sont en train de le crier à leur façon : « Ça suffit ! Basta ya ! »

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